Marie-Madelein Davy (1992)
L'oiseau et sa symbolique
Paris, Albin Michel. Spiritualités vivantes.
Les éditions Albin Michel ont estimé utile de réimprimer en format poche une étude de M.M. Davy sur la symbolique de l’oiseau, assurant ainsi une large diffusion à cet ouvrage, paru en 1992 chez le même éditeur. Disons d’emblée que nous n’en voyons guère l’intérêt. Autant les études de M.M. Davy ont-elles pu enrichir la lecture de l’art roman – on pense à son Initiation à la symbolique romane - et ses travaux érudits sur Guillaume de Saint-Thierry ont-ils pu apporter de textes utiles à tout médiéviste, autant le livre sur l’oiseau laisse-t-il une impression d’évanescence du savoir.
Certes, nous ne pouvons que souscrire à la phrase initiale de la préface : « Rien de plus fascinant que le symbole de l’oiseau, en raison de la diversité des domaines dont il participe : le vol, le chant, la plume et les couleurs ». Mais le livre passe rapidement à des considérations tout sauf linéaires, en une « vision ascensionnelle » qui entraîne le lecteur vers des hauteurs où le regard se perd. On y cite pêle-mêle des auteurs antiques, médiévaux et modernes, des contes folkloriques et des interprétations psychanalytiques, sans aucunement garantir le propos par quelque développement historique ou argumenté. Dans une première partie (p. 20-68), il est question de la « Spécificité des oiseaux » : origine et destin, corps, rondeur, aile, plume, couleurs et chants, saison, espace et lumière sont autant d’aspects qui donnent lieu à quelques considérations. Suit une partie sur la « Diversité des oiseaux » (p. 69-144), où quelques types d’oiseaux sont présentés : alouette, colombe, coucou, huppe, merle, mésange, moineau, paon, pélican, rossignol, pie, corbeau, chouette, cigogne, orfraie, phénix, oiseau de paradis, simorgh. On notera déjà l’absence d’oiseaux à la symbolique aussi importante et diversifiée que l’aigle, le vautour, le faucon, la grue, le cygne, le perroquet, la foulque, l’autruche, etc. Sans parler de certaines créatures plus énigmatiques qui ont inspiré les poètes depuis l’antiquité : le griffon ou l’alcyon par ex. Dans le détail des notices, on trouve un mélange de réminiscences livresques, de connaissances factuelles rudimentaires et de touchantes considérations personnelles. Ainsi, « Contrairement à la plupart des oiseaux, l’hirondelle n’est pas sauvage. Elle se pense sans doute aimée. Elle niche volontiers près des habitations… » (p. 93). On se demande quelle notion du « sauvage » inspire un tel portrait psychologique. Ou celui du merle qui, « même âgé, éclate de jeunesse » (p. 100). Ou alors celui des mésanges, qui en hiver aiment à se mélanger à leurs congénères appartenant à des espèces différentes, et dont on apprend : « Il n’existe pour elles aucun racisme » (p. 102). Quant au moineau, « il espère tout sans rien apprendre » (p. 103). Mais, consacré à Vénus, « il a été longtemps renommé pour sa lubricité et aussi sa paillardise. Il en était ainsi dans l’iconographie médiévale » (p. 104). Familier des représentations d’oiseaux dans les enluminures médiévales, il m’est difficile de trouver un seul exemple pour étayer cette affirmation ; les moineaux bien reconnaissables y sont de toute manière rarissimes (un ex. dans les marges du Missel de Sherborne, Londres, BL, Add. 73246, page 377, repr. J. Backhouse, The Sherborne Missal, Londres, 1999, p. 50) . Les citations de textes médiévaux sont souvent approximatives ou invérifiables : ainsi, le comportement du pélican est rapporté « D’après un texte qui comporte d’ailleurs de nombreuses variantes » (p. 109). Ou encore, « le symbolisme du pélican fut très tôt appliqué au Christ rédempteur » : pas plus ici qu’ailleurs, une date ne vient concrétiser cette indication vague. La troisième partie, « L’oiseau dans la culture » (p. 145-225), envisage dans un ordre primesautier l’oiseau dans l’art roman, chez Olivier Messiaen, chez Jérôme Bosch, chez Léonard de Vinci, dans la littérature, l’imaginaire, les contes, etc. La mystique Hadewijch y côtoie les Upanishads, dans un syncrétisme sans scrupules.
Sans doute ce livre ne s’adresse-t-il pas au public érudit en premier lieu, et notre critique peut-elle paraître excessive. Elle reflète en réalité une déception, devant un titre qui annonce beaucoup, et dont la signature laissait espérer un meilleur traitement.