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Gaston Duchet-Suchaux and Michel Pastoureau (2002)

Le bestiaire médiéval. Dictionnaire historique et bibliographique

Paris, Le Léopard d'Or. (ISBN: 2-86377-176-0).

La maison d'édition Le Léopard d'Or s'est intéressée plus d'une fois au monde animal à l'époque médiévale, à la faveur des ouvrages de Michel Pastoureau, qui lui réservèrent une large place à travers des études originales et reposant sur une large assise documentaire (ex. "Couleurs, images, symboles. Etudes d'histoire et d'anthropologie", en 1986). Le Léopard d'Or avait cependant aussi publié le malheureux "Dictionnaire symbolique des animaux" de Dom Pierre Miquel (1992), qui accumulait les approximations et les erreurs (cf. notre compte rendu dans le BC 1993, n° 257). Le duo d'archivistes paléographes qui signe ce "Bestiaire médiéval", après avoir publié il y a quelques années un fort avenant et utile "La Bible et les saints. Guide iconographique" (Paris: Flammarion, 1990), laisse augurer un livre rassurant sur le sujet, mais force nous est de constater que nous ne sommes pas encore en présence de la clef tant attendue pour la riche symbolique animalière médiévale.

Après une introduction signée par les deux auteurs, le dictionnaire livre des notices pour 73 animaux, classés alphabétiquement de abeille à vipère, traités en un texte sans apparat critique mais pourvu de quelques titres en fin de notice. Suit une liste de références des principales sources consultées (p. 149-151) et une brève bibliographie générale (p. 155-162). Des dessins (reprenant ceux du bestiaire ms. de Cambridge, UL, Ii.4.26) et des gravures sont insérés dans les pages, et deux cahiers d'illustrations en couleurs viennent agrémenter la publication (entre autres, diverses enluminures du bestiaire de St-Petersbourg, BP, Saltykov Q.V.v.1; notons cependant une erreur de légende, ill. 16, une page du ms. Vatican, Pal. lat. 1066 est dite provenir d'un ms. de l'encyclopédie de Barthélemy l'Anglais, alors qu'il s'agit de celle de Thomas de Cantimpré). Les notices sont de longueur très variable, allant d'un quart de page (e.g. taupe) à non moins de dix pages (pour le porc), et le livre inclut aussi bien des animaux très courants, tel le chien ou le lapin, que des individus rarement traités dans la littérature secondaire, tels l'anguille, le bonasus, le hareng ou l'ibis, ce qui est appréciable. La diversité de traitement provient, et les auteurs ne s'en cachent pas dans l'introduction, de la répartition des animaux entre les deux auteurs, "chacun ayant ses méthodes, ses curiosités, ses terrains de prédilection … et sa façon de cerner l'animal". Si le principe est louable, il entraîne cependant des disparates, certains articles étant par trop squelettiques par rapport à d'autres.

Dans la nomenclature des notices, il y a quelques absences qui étonnent. Pour les insectes, sont traités l'abeille, la fourmi et, dans un article commun et original, "pou, puce et vermine". Pourquoi pas la sauterelle, que des générations d'exégètes ont commentée à partir des textes bibliques ? Et la mouche, la cigale et quelques autres encore ? Parmi les oiseaux, il y a une notice "héron", mais il n'y en a pas pour la cigogne, si bien étudiée par Jacques Berlioz, ni pour la grue, dont le symbolisme traverse les textes médiévaux et dont l'image culturelle est d'une richesse surprenante. Le caladrius n'a pas droit à une notice à soi, mais il en est question brièvement sous l'entrée "alouette": "Les bestiaires du Moyen Age, toutefois, sont plus nuancés. Ils donnent à l'alouette le nom de "caladre" et en font un oiseau prophétique (…)" (p. 25). S'il est un oiseau dont l'identité est sujette à discussion, c'est bien le caladrius des bestiaires, qui a été tour à tour identifié avec le pluvier, le vanneau, la grue, le faisan, l'alouette, le héron et le perroquet. C'est en réalité une question un peu secondaire, car cet oiseau est bien plus un "type" qu'une espèce, et il aurait fallu le traiter sous l'entrée "caladrius". Parmi les autres absents de marque, dans la gent ailée, relevons encore la caille, la huppe, le passer (passereau), la perdrix et le perroquet, pour ne s'en tenir qu'aux oiseaux les plus souvent traités dans les textes didactiques. Etant donné que les auteurs incluent dans leur nomenclature le bonasus, ce bovin aux excréments pyrotechniques que dépeignent de rares encyclopédistes et certains bestiaires, et qui en dehors de cela n'apparaît jamais dans l'iconographie médiévale, on ne voit pas pourquoi ils ont exclu ces volatiles fortement individualisés dans la culture du temps.

La lecture des notices réserve de temps à autre des surprises. Ainsi, on lit dans la notice sur l'ibis (p. 80) qu'il était "associé dans la religion égyptienne au dieu Thor", pour "Thot", et qu'il en est question dans le Philologus, pour le Physiologus (à deux reprises dans cette notice); la citation d'Honorius, qui interpelle les chrétiens: "Christine homo, s'écrie-t-il, garde-toi d'imiter cet oiseau répugnant", doit être lue Christiane homo. La relecture des épreuves a manifestement été quelque peu hâtive, ce qui se marque aussi dans la bibliographie en fin de volume, où nous avons relevé une quinzaine d'erreurs (ainsi, Francesco Cardini au lieu de Franco, ou Florentine McCullough pour Florence McCulloch). Coquilles d'impressions ou erreurs matérielles, divers détails seraient encore à relever, comme des datations fausses: Thomas de Cantimpré est dit "encyclopédiste du XIIe siècle" (p. 50), de même qu'Albert le Grand (p. 110), tous deux auteurs du plein XIIIe s. Le contenu proprement dit prête parfois à discussion. Lisant avec attention ce qui est dit du faucon, p. 67-69, nous y relevons une dizaine d'affirmations erronées, dès la première ligne: "Introduite en Occident peu après l'an mille, la chasse à l'aide de faucons…". Les travaux de H. Epstein, Ch. Haskins, K. Lindner et J. Cummins ont pourtant montré et rappelé que ce déduit a été importé en Europe par les Germains, et que les "lois barbares" des VIe-VIIIe siècles y font abondamment allusion. Je l'ai répété en toutes lettres dans les deux livres dont la référence figure pourtant ici en fin de notice, p. 69. La description du dressage du faucon est parsemée de curiosités, comme, au sujet de l'usage de la ciliation, "Car pour être bien dressé, l'oiseau doit être aveugle". Si mes ouvrages sont cités ici, je tiens à préciser qu'ils ne sont pour rien dans les erreurs qui déparent cette notice. Sans doute, ces remarques-ci sont-elles le fait d'un spécialiste pointu de la question, qui ne figure pas en priorité parmi le public visé, mais faut-il pour autant brosser le tableau en des traits aussi rudes ? Ceci dit, la plupart des notices sur les quadrupèdes me semblent de bon aloi, certaines même sont excellentes, comme celles qui sont consacrées au cerf, au lion, à l'ours, au taureau, au porc. Mais des aspects essentiels de la lecture allégorique du monde animal auraient gagné à être présentés: ainsi, la notice "crapaud" se limite aux traits descriptifs relevés par les encyclopédistes (p. 60), et rien n'est dit de son symbolisme qui sous-tend nombre d'exempla et de représentations figurées. Ou encore, pour le vautour, on lit deux brèves allusions aux connotations sombres qu'il véhicule (p. 146), mais rien sur son image positive dans le Physiologus et les bestiaires, qui prennent argument de sa parthénogénèse pour appuyer la conception virginale de Marie.

Venons-en à un dernier aspect. Le sous-titre, "Dictionnaire historique et bibliographique", annonce que la bibliographie en est un élément central, et on s'attend donc à trouver pour chaque animal un bon état de la littérature secondaire. Or, force est de constater ici des lacunes. Sur 73 notices, 23 sont dépourvues de tout titre. Passe encore pour l'alouette , le bonasus ou l'onagre, pour lesquels on sera en peine de dénicher des études spécifiques. Mais la chouette et le corbeau sont également privés de références, alors que l'on pourrait aligner une quinzaine d'articles pour chacun. Serait-ce dû au parti de ne donner que des références d'accès facile et de langue française ? La bibliographie qui suit les articles "cerf" ou "loup", par ex., montre que ce n'est pas le cas; pour l'autruche on trouve même référencé l'article confidentiel de F. Kirnbauer, "Der Vogel Strauss mit dem Hufeisen im Schnabel", paru en 1962 dans la revue Biblos. On est dès lors en droit de regretter le manque criant de références pour bien des animaux. Ainsi encore, aucun titre pour la notice "renard", ce qui laisse pantois. Faut-il rappeler que la bibliographie est immense, qu'il existe un ouvrage qui en fait le tour, par Kenneth Varty (voir BC 1998, n° 686), et que depuis 1975 la Société internationale renardienne réunit tous les deux ans les chercheurs intéressés par cette thématique richissime, et publie la revue annuelle Reinardus, régulièrement recensée dans ces colonnes ? Le lecteur a droit à une seule référence pour la colombe, le lapin, le chat, le rat, alors qu'ici aussi, la littérature secondaire abonde. Dans la notice "cheval", on ne relève aucune allusion à la tradition hippiatrique médiévale, et aucun titre n'est donné. Du point de vue bibliographique, l'ouvrage n'est donc pas à la hauteur des attentes qu'il fait naître. Notre déception est en réalité l'exact reflet de notre grande admiration pour l'œuvre de M. Pastoureau, dont nous utilisons et citons volontiers divers travaux novateurs et stimulants. Il est dommage qu'une certaine hâte éditoriale ait entraîné la publication d'un ouvrage aussi peu abouti que ce "Bestiaire médiéval".

 

Baudouin Van den Abeele

compte rendu critique dans Scriptorium, 58 (2004), Bull. Codicologique, n° 104
von BibuserZuletzt verändert: 20.10.2008 11:27
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